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L’agriculture régénératrice, solution au dérèglement climatique ? 

Publié le: 21-01-2021

Prospective Le think tank Agridées organisait mi-janvier un débat avec Bertrand Valiorgue, professeur en stratégie et gouvernance des entreprises à l'IAE Clermont-Auvergne et auteur d’un ouvrage intitulé « Refonder l’agriculture à l’heure de l’anthropocène ». Il plaide pour une agriculture régénératrice comme solution au changement climatique. 

Derrière le mot barbare “anthropocène” se cache une réalité géologique et climatique : celle d’une nouvelle ère dans laquelle l’humanité serait entrée depuis quelques décennies. Le concept vient du prix Nobel de Chimie 1995, le Néerlandais Paul Crutzen. Bien que l’appellation “anthropocène” (ère géologique de l’homme) ne soit pas officiellement reconnue, ce chimiste de l’atmosphère l’a qualifiée comme telle en remarquant une rupture dans le climat. C’est notamment sur la base de ses recherches qu’est née l’idée de dérèglement climatique. Pour Bertrand Valiorgue, aucun retour en arrière n’est possible en termes de climat à court, moyen ou long terme, et ce, en raison du taux de concentration du gaz carbonique dans l’atmosphère : 415 ppm (parties par million), « du jamais vu depuis 800 000 ans », a-t-il expliqué. « Nous traversons une transformation irréversible du système Terre », a-t-il martelé. Et même si l’activité humaine est co-responsable de cette situation, « le secteur agricole est la première victime de ce basculement dans l’anthropocène. La multiplication des aléas climatiques impacte cette activité et il y a nécessité de repenser les pratiques agricoles », a-t-il ajouté, dans l’objectif d’assurer la transition et donc la souveraineté alimentaire.

Dépendance de sentier et enclosure 

Bien que l’humanité entre aujourd’hui dans un monde d’incertitudes, l’agriculture se voit presque imposer la nécessité de « réparer la planète et en plus de nourrir le monde », a affirmé Bertrand Valiorgue. De surcroît, « l’agriculture régénératrice répond aux deux objectifs indissociables que sont l’atténuation et l’adaptation » au changement climatique. Prenant soin de préciser ce type d’agriculture est un « horizon » et « non une nouvelle discipline », il prolonge son propos en indiquant que des pratiques existent déjà. S’il dénonce l’ambiguïté de certains acteurs (lire encadré), c’est pour mieux souligner la « dépendance de sentier » et le phénomène « d’enclosure » de certains oligopoles et monopoles qui phagocytent le monde agricole dans son propre système. La reconquête ne pouvant être que collective, Bertrand Valiorgue plaide pour une redéfinition de l’activité agricole dans le droit avec « l’objectif de reconnaître et de redonner de l’importance à l’activité agricole au-delà de l’acte productif ». Il souhaite aussi la mise en place d’un statut d’exploitation agricole à mission, notamment pour « faciliter l’accès à de nouvelles sources de financement ». Il milite enfin pour la redéfinition des outils de gestion et de pilotage, pour « arrêter de regarder l’exploitation agricole uniquement au prisme de la rentabilité », ce qui nécessite l’institutionnalisation d’une comptabilité environnementale. « Car aujourd’hui, ça arrange beaucoup de monde que l’on se focalise uniquement sur le prix », a-t-il lâché. Sous-entendu, sans voir les apports positifs de l’agriculture à la protection de l’environnement, à l’entretien des paysages, etc.