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Conseil d’État : Les maires ne peuvent pas prendre d’arrêtés anti-pesticides

Publié le: 07-01-2021

Justice Dans une décision rendue le 31 décembre 2020, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi de la municipalité de Gennevilliers, dont le maire avait interdit par un arrêté du 13 juin 2019 l’utilisation de glyphosate pour l’entretien de certains espaces du territoire communal. Une décision qui va faire jurisprudence.

L’arrêt rendu le 31 décembre 2020 par le Conseil d’État fera date. Il tranche la question des arrêtés anti-pesticides pris par certains maires. Pour la Haute juridiction, les choses sont claires : la réglementation sur l’usage des produits phytopharmaceutiques relève exclusivement de l'État. « Le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l'État », écrivent les juges administratifs. Ces dispositions ont pour but, et conformément au droit de l'Union européenne, « d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l'environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ». Concrètement, il revient à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de prendre les autorisations de mise sur le marché des produits, et au ministre de l’Agriculture, ainsi qu’aux ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la consommation, de limiter voire d’interdire, le cas échéant, l’utilisation d’un ou plusieurs produits dans certaines zones.

Prérogative des préfets
Au plan local, précise l’arrêt, c’est à l’autorité préfectorale, et dans le cadre fixé au niveau national, de fixer les distances minimales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables, et d'approuver les chartes d'engagements d'utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d'utilisation des produits. Enfin « en cas de risque exceptionnel et justifié », le préfet peut prendre toute mesure d'interdiction ou de restriction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l'environnement « avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l'agriculture ». Si le maire dispose bien d’un pouvoir de police générale « nécessaire au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques », il ne peut « légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'État de prendre », conclut le Conseil d’État.

Les maires anti-pesticides porteront leur combat à Bruxelles
« Nous allons continuer nos démarches » a indiqué Florence Presson, adjointe au maire de Sceau et porte-parole des maires anti-pesticides, après la publication de l’arrêt du Conseil d’État du 30 décembre. « Cette jurisprudence est sévère, et très restrictive, puisqu’elle considère qu’il y a une compétence exclusive de l’État, qui l’utilise ou non. Ce qui pose un problème en termes de santé publique et de constitutionnalité », estimait Corinne Lepage, avocate des maires anti-pesticides. Plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sont en cours, rappelle-t-elle, et pourront apporter des réponses sur le second point. Avec son aide, une plainte pourrait même être prochainement déposée auprès de la Commission européenne par les maires contre la France, avec l'appui de députés européens. En attendant, des kits seront bientôt envoyés aux autres maires pour faciliter la publication de nouveaux arrêtés anti-pesticides. « Les nouveaux arrêtés seront retoqués, mais rien ne nous empêchera d’en publier d’autres. Avec notre action, nous continuerons de montrer que les maires refusent qu’on ne prenne pas soin de la santé des citoyens », a prevenu Florence Presson.