Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
La Région créé un « think tank » agricole
Politique

La Région créé un "think tank" agricole

PROSPECTIVE
Alain Rousset a annoncé la création d'un espace de réflexion dédié à l'agriculture pour "anticiper demain".

La Nouvelle-Aquitaine est l'une des premières économies agricoles d'Europe. Elle compte 311 produits sous signes officiels de la qualité et de l'origine. Elle regroupe 640  000 exploitations et 180 000 employés. L'agriculture néoaquitaine génère un chiffre d'affaires de 11 milliards d'euros et celui de l'agroalimentaire est de 30 milliards d'euros. Elle est aussi la région en première ligne concernant les impacts du changement climatique. Le président de la Région, Alain Rousset en est conscient depuis longtemps et entend influer sur ce secteur d'activité pour "anticiper demain". Après la feuille de route Néo Terra qui fait plancher les scientifiques sur les effets du changement climatique depuis plusieurs années, il a annoncé, cette année, la création d'un "think tank" (espace de réflexion en français) dédié à l'agriculture.

Pourquoi créer un think tank, la Région est déjà très impliquée dans l'espace agricole ?

Alain Rousset : L'idée est "comment prépare-t-on demain pour un monde agricole toujours en crise. Les mesures prises sont souvent de court-terme. Le Conseil régional apporte 240 millions d'euros en aides directes, pour la recherche ou les entreprises qui proposent des alternatives aux phytosanitaires issus de la chimie classique. Mais dans 10, 20 ans, vers quelle agriculture devons-nous et pouvons-nous aller ? Il ne s’agit pas de refaire des études scientifiques ou de créer un comité de pilotage, de refaire cette mission d’information qui a été très positive.

Mais alors, pour quoi faire ?

A. R. : Pour essayer de penser l'avenir. Tout cela va être aborder par toutes les personnes que nous allons inviter à participer à ce think tank. Aborder, peut-être, la question du revenu agricole. Parce qu’avoir un métier qui ne rémunère pas celui qui le fait produit toujours des crises. Réfléchir aux réseaux commerciaux pour voir qui récupère la valeur ajoutée… on peut le traiter par rapport aux désordres climatiques et la question de l’eau, notamment. L’aborder sur un angle foncier. Comment pouvoir installer des jeunes ou des nouveaux agriculteurs. L’accès au foncier est un problème important.

Des sujets brûlants… mais, n'avait-on pas déjà des pistes de réflexion avec Néo Terra ?

A. R. : L’idée est de se déconnecter autant que possible du conjoncturel. Il faut aborder l’aspect structurel et ce que l’on peut prédire, comment on anticipe demain. On a une base de réflexion avec Néo Terra avec des stratégies d’accompagnement sur l’agro-écologie par exemple, sur des territoires pilotes. L’idée, c’est de rassembler ça. Il n’y aura pas qu’une seule agriculture demain, mais on peut le prendre aussi sur le plan de la santé. La transition agro-écologique, c’est le retour du rôle du sol, l’agriculture régénératrice. On voit bien qu’on a besoin de se parler. Avec des personnes du monde agricole, mais aussi de la recherche académique, des économistes, des agronomes, des sociologues…

Le dialogue semble actuellement compliqué…

A. R. : Le think tank permettra de réfléchir à voix haute, de confronter le souhaitable, le possible et le chemin pour y arriver. Il faut trouver des lieux où l’on soit à la fois ambitieux, volontaire et où l’on apaise. Notre politique agricole, elle est co-construite. J’ai saisi d’une mission le laboratoire agronomique de l’INRAE de Villenave d’Ornon pour voir quels types de plantations peuvent être envisagés sur les terres où les vignes ont été arrachées. On fait déjà tout ça et on travaille ensemble.

Je voudrais qu’on essaie d’arriver à avoir une vision de l’agriculture en 2035/2040. Avec les contraintes qui sont les nôtres, car nous sommes l’une des régions qui subit le plus des conséquences du changement climatique.

Quand prévoyez-vous l’installation de ce think tank ?

A. R. : Dans les semaines qui viennent, nous réunirons des acteurs la recherche au sens large, les représentant du monde agricole, les élus régionaux. C’est ce groupe qui fixera, avec nous, sa feuille de route. Est-ce que le développement de l’agriculture, c’est simplement l’extension de la taille des exploitations  ? L’élevage peut-il, avec ses problèmes sanitaires, se développer, se maintenir ? Si on n’a plus d’élevage, on n’a plus de prairies, plus de captation de carbone ! Le problème de l’eau… Aujourd’hui, on est dans un conflit entre les modes d’exploitation agricole et la production d’eau potable.

Comment comptez-vous utiliser les réflexions issues de ce think tank ?

A. R. : Aujourd’hui, on ne peut pas rester dans l’émotion. Une décision gouvernementale prise sur la base d’une simplemanifestation, ce n’est pas ça qui va préparer la vie de nos enfants et de nos petits-enfants. Le think tank est un lieu de réflexion, pas un comité de pilotage. C’est un lieu « apprenant ». Aujourd’hui, notre société n’a plus l’art d’anticiper. Et je crois qu’il appartient aux organisations collectives politiques d’anticiper. Il s’agit pas de dire on tire à vue sur tel et tel. Non ! Il s’agit d’embarquer en donnant de l’information et de massifier les évolutions et les transitions nécessaires et de trouver les financements nécessaires. Nous sommes à la veille de la réforme de la Politique agricole commune post 2027. Être capable de se préparer politiquement est important.

Propos recueillis par Myriam Robert