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La FNSEA présente son projet de paiements pour services environnementaux

Biodiversité Le syndicat majoritaire accélère sur les PSE, et lance une solution « clé en main » pour des contrats locaux entre agriculteurs et collectivités ou entreprises.

La FNSEA a présenté devant la presse, le 25 avril, Epiterre, un programme d’accompagnement des agriculteurs et des « acteurs privés ou publics » souhaitant signer des contrats de paiements pour services environnementaux (PSE) en « faveur de la biodiversité ». Il prendra la forme d’un « guichet unique », s’appuyant sur le réseau territorial du syndicat, et proposera des projets de PSE « clé en main » aux intéressés.
Ces paiements pour services environnementaux permettront à des acteurs publics ou privés (associations, entreprises, collectivités…) de rémunérer un agriculteur pour des actions qu’il réalise en faveur de l’environnement, soit parce que ces acteurs en « bénéficient directement », soit parce qu’ils les valorisent dans le cadre d’une démarche RSE.
Un exemple de projet cité par le syndicat : les éoliennes. « Au lieu de compenser la construction d’éoliennes avec des jachères, et perdre de la surface agricole, les promoteurs pourraient faire appel à des agriculteurs qui aménageraient des dispositifs naturels propices à la biodiversité autour des turbines », propose la FNSEA.

Un conseil scientifique pour évaluer les résultats
« Il s’agit d’un aboutissement, après des années de réflexion. Nous voulons montrer que les agriculteurs s’engagent pour la biodiversité », commente la présidente de la FNSEA Christiane Lambert. Des objectifs chiffrés, basés notamment sur les données de l’observatoire agricole de la biodiversité, seront définis dans les cahiers des charges de chaque contrat. Les résultats seront, à terme, évalués par un conseil scientifique.
Le lancement de ce projet n’est en tout cas pas anodin : le syndicat majoritaire compte attirer vers son propre programme les 150 millions d’euros promis par le gouvernement, dans le cadre du Plan Biodiversité, pour développer les paiements pour services environnementaux.

Agir avec les agriculteurs sans contrainte extérieure
Pour le moment, la nature des projets qui seront financés par cette enveloppe, débloquée sur les budgets des agences de l’eau, n’est en effet pas réellement connue. Seule certitude : cette somme doit être mobilisée d’ici 2021 pour rémunérer les agriculteurs ayant un impact positif sur la protection de l’environnement.
« Si l’on veut utiliser cet argent intelligemment, il faut le faire avec les agriculteurs, sans imposer des contraintes extérieures. Les agriculteurs sont les premiers garants de la nature », défend la FNSEA. Pour ce programme, le syndicat majoritaire s’est allié à Imagin’Rural, une association qui accompagne des agriculteurs dans des « projets durables ».

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« La biodiversité offre des marges de manœuvre considérables aux systèmes agricoles »

Recherche Nicolas Gross, chercheur à l’unité écosystème prairial (Inra) de Clermont-Ferrand, souligne le lien qui existe entre la biodiversité et la multifonctionnalité, c’est-à-dire la capacité des écosystèmes à soutenir de multiples fonctions de manière simultanée, comme la production de biomasse, le stockage de carbone et le recyclage des nutriments).

Pourquoi l’équipe de chercheurs français et espagnols à laquelle vous avez collaboré s’intéresse-t-elle aux espèces de plantes rares ?
Un écosystème est composé de quelques espèces dominantes, très abondantes et d’une multitude d’espèces moins abondantes dites rares. Une espèce rare en tant que tel n’a pas forcément de rôle important. C’est en revanche parce qu’un écosystème héberge une forte diversité de ces espèces rares qu’elles ont, par leurs interactions et leurs synergies, des effets potentiellement très positifs sur le fonctionnement des écosystèmes. Les espèces dominantes, par leur forte biomasse, ont bien sûr un rôle très important sur certaines fonctions de l’écosystème. Mais aucune espèce dominante n’est capable à elle seule de maintenir de façon stable toutes les fonctions de l’écosystème quelles que soient les conditions environnementales. C’est là que les espèces rares entrent en jeu car elles sont capables de maintenir la stabilité et la multifonctionnalité des sols. Nous avons pu mettre en évidence que ce sont leurs différences fonctionnelles (c’est-à-dire la façon dont elles utilisent les ressources du milieu de manière complémentaires) qui déterminent leurs effets bénéfiques sur les écosystèmes.

Faudrait-il introduire plus de biodiversité dans les systèmes agricoles ?
Quand on regarde ce que la nature nous apprend, on peut dire que oui. Si l’on souhaite développer des systèmes de cultures résilients et multifonctionnels adaptés aux changements globaux en cours, la biodiversité offre des marges de manœuvre considérables. Mais cela demande de repenser notre façon de produire. L’agriculture actuelle est majoritairement axée sur peu d’espèces souvent cultivées en monoculture. Les espèces dominantes seules sont plus sensibles aux aléas (stress hydriques, thermiques, maladies). Sur le long terme, sans biodiversité, les sols se dégradent, la productivité baisse. Les sols de la Beauce ne contiennent guère plus de matière organique que ceux du Sahel. Si la biodiversité s’érode, cela peut avoir des conséquences dramatiques sur la capacité des écosystèmes à fournir des services essentiels à la vie comme la production de nourriture, le maintien de la fertilité des sols ou tout simplement la fourniture d’eau potable.

Votre équipe de recherche a relevé de nombreuses données. Envisagez-vous l’élaboration d’un référentiel à l’usage des instituts techniques agricoles ?
Tout à fait. Nous en sommes au début mais les objectifs sont bien ceux-là. Une des perspectives à nos travaux est de pouvoir établir des références qui pourraient à terme être mis à l’usage des instituts techniques, chambres d’agriculture, coopératives. Par exemple, développer des indicateurs de santé d’un écosystème, afin de pouvoir diagnostiquer son état de fonctionnement optimal et détecter des signaux avant-coureurs de dégradation des écosystèmes. Ceci sera crucial pour anticiper les effets des changements climatiques.

Quelles pourraient être les applications ?
Nos travaux peuvent aussi être un moyen de concevoir de nouveaux systèmes de culture. Au lieu de cultiver certaines espèces d’intérêt en monoculture, il faudrait cultiver des assemblages d’espèces multifonctionnelles. De nombreux défis techniques et agronomiques restent à résoudre : comment semer, conduire et récolter une diversité d’espèces sur une même parcelle ? Mais nous avançons vite dans ce domaine. Le rôle positif que joue la biodiversité dans les écosystèmes est désormais démontré. Nous voulons maintenant quantifier la diversité nécessaire pour soutenir de façon durable les fonctions écosystémiques, en écosystèmes naturels, des prairies et des cultures.