L'Avenir Aquitain
AA
Accueil >Economie > Laurent David, président de La Wine Tech
ldavidwinetech-dr

Laurent David, président de La Wine Tech « La technologie n’a de sens qui si elle nous aide à faire le meilleur »

Publié le: 03-03-2022

Rencontre Le président de La Wine Tech, par ailleurs « néo-vigneron » du Château Edmus, à Saint-Émilion, présente l’association qui a conduit des tables rondes autour des innovations dans le monde du vin à Vinexpo Wine Paris, du 14 au 16 février.

Grand sourire et tenue décontractée de rigueur, le président de La Wine Tech cultive une image plus proche de la Silicon Valley que de la vigne. Normal pour ce « néo-vigneron » qui s’est offert - avec 32 autres « investisseurs » - un grand cru de Saint-Émilion, le Château Edmus. Pour autant, Laurent David est un enfant du pays - enfin « un voisin de Bergerac » comme il le souligne aussitôt - si ce n’est un fils de viticulteur. « Mais j’ai foulé le raisin aux pieds dans le chai de mon grand-père. J’ai eu d’autres métiers. Mais je me suis toujours dit que lorsque je serais grand, je ferais du vin. »
C’est chose faite fin 2019. « J’ai cherché à investir dans un domaine viticole. Mais la viticulture est un métier complexe où il faut maîtriser la vigne, le chai, la vente. Les vignerons sont des chefs d’entreprise. » Il a choisi son secteur de compétence. « Le travail sur le végétal ou dans le chai, j’ai renoncé : il m’aurait fallu dix ans avant de pouvoir sortir du vin potable. Alors, j’ai constitué une équipe. Banton & Lauret dans les vignes, Stéphane de Renoncourt dans le chai… » au niveau des investisseurs, là aussi, Laurent David recrute des talents d’âges et d’horizons divers : vignerons (du Languedoc et de Bourgogne), comptable, etc. Il s’entoure d’une trentaine de partenaires, où il met volontiers en avant quatre investisseuses (même s’il souligne aussitôt que « ce n’est pas suffisant »), rappelant que la force vient du nombre : « ça coûte cher de faire un grand vin. » Voilà pour la genèse.
IN Vins sans sulfites et caméras à la vigne
Pour l’exploitation, malgré une installation en pleine crise sanitaire, cet ancien d’Apple et de Nokia se réjouit d’une première année de production (2021) qui « s’est bien passée. » Et il souligne des « innovations à plusieurs niveaux », du « chai dernier cri » à la biodynamie gérée via « des caméras et des capteurs dans nos vignes ». Car pour Laurent David, « la technologie n’a de sens que si elle nous aide à faire le meilleur vin possible sans intrants. »
Association de start-up
Depuis 2020, il préside la toute jeune association « La Wine Tech », créée de manière informelle dès 2014 mais vraiment structurée depuis 2 ans. « Trente-trois start-up sont signataires à l’origine. On en compte soixante-dix aujourd’hui. Cette année, nous avons un stand de 300 m² à Vinexpo- Wine Paris. C’est à l’image de l’engouement et du besoin d’innover. Nous avons trente start-up sur le stand et trois jours de conférences et d’ateliers ouverts à tous. »
Un développement qui s’explique peut-être par la pandémie, notamment en ce qui concerne la commercialisation des vins. « C’est une phase évidente en 2020/2021, quand tout a fermé, la seule solution de commercialisation c’était le net. On a vu un mouvement de solidarité, comme ‘J’aime mon vigneron’, des boutiques en ligne qui pouvaient être créées avec 19,90 euros par mois… ça devenait facile et les ventes sur Internet ont augmenté de 40 à 60 %. Cela a eu un effet d’aubaine. »
Mais pour le président de La Wine Tech, le domaine d’action est loin d’être limité à la vente. « Cela va de la vigne au verre : capteurs, drones, robots, chauffage de la vigne avec des panneaux solaires, collecte et nettoyage des bouteilles de vin pour leur ré-emploi… » il cite une liste des idées ou des innovations large, très large. Pour des start-up « souples, agiles, rapides, qui prennent des risques ».
Soif d’innovation
Un monde, a priori, assez éloigné de la filière viticole ? « Je ne trouve pas du tout la filière conservatrice, surtout à Bordeaux qui se remet en question. J’ai été très bien accueilli par des gens passionnants et j’ai trouvé un appétit d’amélioration chez tous les vignerons. Intellectuellement, ils sont câblés pour essayer un nouveau truc, même si c’est un métier séculaire. Après tout, ils ont une chance par an de ne pas se tromper. »
Alors, y-a-t-il des raisons d’espérer pour le chef de file des « start-upers » viticoles ? « Moi, je suis optimiste. Il y a quelque chose qui s’est enclenché. Il ne faut pas se voiler la face face à la crise. Il faut écouter ses clients, innover et changer. » Et de citer l’exemple du beaujolais nouveau qui a explosé, dégringolé et est revenu vers le succès après une profonde mutation. « Il a des cycles. Il faut un regard neuf et plein d’énergie. » Une énergie qui ne fait pas défaut à ce président plein de projets. Il veut lancer, pour Vinitech, à Bordeaux, un réseau pour faire se rencontrer start-up et vignerons : la « wine tech community ». Une entité dans laquelle ils pourront échanger leurs expériences, tester les prototypes, exprimer des besoins. Un cinquième collège dans une association qui en compte déjà quatre dont un comptant de grandes entreprises, de Bernard Magrez au Crédit agricole en passant pas LVMH. L’idée : créer du lien pour mieux vendre.
M. R.