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Circuits alternatifs : « pour se réapproprier la valeur ajoutée »

Commercialisation Les Terres de Jim accueille les Halles de Jim, un point de vente collectif éphémère qui présente 700 références pour vendre des produits respectueux du consommateur et du producteurs.

Thierry Houël, administrateur Jeunes Agriculteurs est le responsable des Halles de Jim. C'est une vitrine des produits - bruts ou transformés- issus de l'agriculture. Et une bonne manière de montrer qu'il est possible de faire du commerce en respectant producteurs et consommateurs.

AAVA: A propos des Halles de Jim, vous évoquez les circuits alternatifs. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ?

Thierry Houël : Pour les Jeunes Agriculteurs, la valeur ajoutée doit être partagée. Au départ, les agriculteurs considéraient que la vente n'était pas notre métier. Et nous avons perdu une grande partie de la valeur ajoutée. Nous voulons vendre nos produits à un juste prix. Et faire comprendre aux consommateurs que, si le prix d'un litre de lait est trop bas, cela ne permet pas de rémunérer l'agriculteur. Pour autant, nous ne pouvons pas tous vendre notre production à la ferme. Si, en Bretagne, où je suis installé, on vendait tous en vente directe et pour la consommation locale, il faudrait faire une croix sur 9 agriculteurs sur 10. Notre maillon manquant, à mon sens, est une plate-forme de distribution commune. Pour l'optimisation des coûts de production et de transformation, nous avons les coopératives. Il nous manque la capacité de regroupement de ces coopératives pour la vente. Nous pensons, à JA, qu'il est possible de le faire.

 

AAVA : C'est ce que vous voulez montrer avec les Halles de Jim ?

T. H. : C'est un projet sur lequel on travaille depuis un an. Un projet qui coûte cher, notamment en terme de logistique. Mais cela peut donner des idées aux régions. Notre but est de montrer qu'il est possible d'utiliser des infrastructures déjà existantes pour mettre en valeur (et en vente) des produits agricoles uniquement français… Un peu comme un point de vente collectif à grande échelle. Pour que la valeur ajoutée revienne davantage aux agriculteurs. Et pour mettre en avant une certaine éthique.

 

AAVA : Du coup, qu'y a-t-il dans ces Halles de Jim ?

T. H. : Plus de 700 références venues de toutes les régions de France et des départements d'Outre-mer. Des produits agricoles, mais pas seulement des fruits et légumes frais. Il y aura toute une gamme de produits transformés, de la viande de veau de l'Aveyron aux confiseries issues de la production de betteraves du nord de la France en passant les escargots de Bourgogne et l'eau minérale.

 

AAVA : De l'eau minérale ?

T. H. : Oui, pour l'eau, nous avons voulu montrer l'engagement du collecteur et du distributeur d'eau avec les agriculteurs pour la protection de la zone de captage. L'idée, c'est de mettre en valeur une éthique de production respectant l'agriculteur, le consommateur, l'environnement. Pour proposer des produits au prix juste avec un juste retour de la valeur ajoutée. Notre offre n'est pas segmentée par type de production : bio ou conventionnelle, label rouge ou bienvenue à la ferme, agriconfiance ou produits de base. Nous avons mixé les produits et les régions, sans clivage entre les divers types d'agriculture. L'idée étant plutôt de proposer des produits pour tous les consommateurs, plus ou moins cher, sans perdre sur la qualité. Il y a de la place pour tout le monde et pour tous les types de productions. Nous sommes tous des agriculteurs. Et le but des JA est d'avoir des exploitations viables et transmissibles.

 

AAVA : Comment sont-ils présentés ces produits ?

T. .H : Nous nous sommes approprié certaines recettes de commercialisation des grandes surfaces. Nous savons, par exemple, qu'un produit présent sur moins de 70 cm de rayonnage ne sera pas vu par le consommateur. Nous avons essayé de prendre le meilleur des divers modes de vente. Les Halles formeront une espèce de galerie marchande avec différents espaces, depuis les textiles et les cosmétiques à l'espace boucherie en passant par la boulangerie, le rayon alcool ou encore l'espace crémerie. Dans chaque pôle, il y aura des animations, le pain sera cuit sur place, les clients pourront participer à des ateliers culinaires… Puis, ils passeront à la caisse. Car le but est de vendre nos produits.

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« 39 % des exploitations vendent en circuits courts »

L'expérience girondine Circuits Vente directe ou vente locale, les problématiques des circuits de commercialisation évoluent avec la demande des consommateurs.

AAVA : On parle beaucoup des circuits courts, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est en Gironde et si ces circuits sont une piste pour l'avenir ?

Alain Monget : Aujourd'hui, on observe une évolution des circuits courts vers les circuits de proximité. En effet, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la notion de « local ». Pour mémoire, les circuits courts comptent, au maximum, un intermédiaire quand les circuits de proximité peuvent en compter plusieurs. Cela peut être le cas, par exemple, des coopératives. Celles-ci, qui avaient tendance à vendre loin, se rapprochent de leur zone de production depuis un ou deux ans.

Les circuits courts (vente à la ferme, présence sur les marchés) sont vecteurs de vente. Depuis le dernier recensement général agricole, on mesure l'impact de ces circuits en France. Et on sait qu'un agriculteur sur cinq commercialise en direct. Un phénomène très présent en Gironde où les viticulteurs vendent une partie de leur production en direct. C'est d'ailleurs le premier département aquitain pour la vente directe. Sur les 9 860 exploitants présents sur ce secteur en Aquitaine, 37 % sont girondins, soit 3 650 exploitations, dont 2 850 viticoles. En Gironde, 39 % des exploitations commercialisent en circuit court contre 23 % des exploitations dans le reste de la région. En dehors de la viticulture, ce sont les filières légumes, produits animaux et miel qui vendent en circuits courts. La vente à la ferme représente environ 40 % des volumes et les marchés 20 %.

 

AAVA : C'est un axe fort pour les filières girondines…

A. M. : Oui. Pour nous, Chambre d'agriculture, cela conforte les actions menées depuis 15 ans dans l'accompagnement de la vente sur les exploitations (agritourisme, Bienvenue à la ferme, Marchés des producteurs de pays…). En Gironde, on peut compter 3 axes forts de développement.

En ce qui concerne les AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), le marché arrive à maturité. On compte 70 AMAP dans le département, essentiellement en milieu urbain. Après une embellie, il y a 4/5 ans, aujourd'hui, cela stagne un peu. Il faut dire que c'est un engagement militant qui, pour le grand public, est un peu contraignant. On constate une migration des consommateurs vers des modes de commercialisation comme le Drive fermier, plus souple pour eux.

Un deuxième axe pourrait être les points de vente collectifs, comme cela se pratique avec succès en Dordogne ou dans la région Rhône-Alpes. En Gironde, on en compte seulement 2 alors que ce type de commercialisation serait très adapté pour le marché bordelais très demandeur. Des producteurs aquitains réfléchissent à venir installer un point de vente collectif sur la communauté urbaine de Bordeaux (CUB). Il existe, à Gradignan, un magasin de ce type, « La compagnie fermière » qui compte 400 m2 de surface de vente et 10 employés. Elle a été créé à l'initiative de producteurs du Lot-et-Garonne.

Le troisième axe concerne des formes de commercialisation de proximité sur Internet. Le Drive fermier est un mode de commercialisation émergeant. Il nous faut encore un à deux ans de recul pour savoir si c'est concluant. Il existe d'autres initiatives comme La ruche qui dit oui, qui fonctionne un peu comme les AMAP. Mais les prix sont plus élevés car il y a une commission sur les ventes.

AAVA Et les ventes aux collectivités ?

A. M. : L'approche de la restauration collective est en expérimentation. Mais c'est compliqué. Les marchés publics sont difficiles à appréhender. Et puis il y a le problème de la multiplication des interlocuteurs. Les collectivités ont besoin d'un interlocuteur unique. En Dordogne, par exemple, une plate-forme commune est testée depuis 3/4 ans : « Mangeons 24 ». C'est encore un marché émergeant. Il faut regrouper les producteurs, installer une plate-forme de paiement unique et commercialiser sur le long terme, au semestre…

 

AAVA : Les ventes « locales » pourraient donc se développer encore en Gironde ?

A. M. : La Chambre d'agriculture est très présente dans ces modes de vente. On « relocalise » la production. Mais, dans notre département, le problème est que la demande est supérieure à l'offre sauf pour le vin. Cela s'explique par le paradoxe d'un département péri-urbain où la CUB représente 50 % de la population. Consommer « local » les rassure, au-delà même des signes de qualité et du bio. C'est une tendance qui l'emporte. Pour autant, il ne faut pas tomber dans le « miroir aux alouettes ». Les circuits courts ne sont pas fait pour toutes les exploitations. Cela demande du temps et de la compétence. Cela rapporte de la valeur ajoutée, oui, mais aussi des heures de travail supplémentaires. Les agriculteurs qui y parviennent sur le long terme ont bien étudié leur projet, l'ont rationalisé et ont ainsi réalisé un véritable choix d'entreprise.