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Les viticulteurs girondins engagés

Social Témoignages de viticulteurs qui ont fait de la RSE leur cheval de bataille pour avancer et garder un dialogue de qualité avec leurs employés et la société.

Lucie et Laurent Rousseau, viticulteurs à Abzac, ont un tableau de certifications long comme le bras… Il était logique qu'ils se lancent dans la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Les premiers exploitants viticoles à haute valeur environnementale (HVE), c'était eux, en 2012. Ils étaient aussi dans le groupe pilote SME (système de management environnemental). « La RSE, c'est la continuité de notre démarche » explique Lucie. « Une démarche de formation et d'évolution dans l'entreprise pour augmenter les compétences. L'objectif de la RSE est plus concret. La démarche est plus complète. Elle a plus de sens à nos yeux car elle allie aspects environnemental et social. Cela permet de structurer nos actions. »
À une autre échelle, la coopérative de Tutiac a sauté à pieds joints dans la RSE. « Ça n'a pas pris beaucoup de temps car on a l'habitude de structurer les choses. » indique Griselda Thiébault, responsable qualité de la coopérative. « Nous nous y sommes mis début mars 2022. En novembre, nous obtenions le label. Ça permet de voir les points positifs et c'est vraiment constructif. » 

Fédérer
« Ça a permis de fédérer. Chaque service a travaillé sur la démarche. Une occasion de mettre tout le monde autour de la table et de créer du lien. » ajoute Céline Martineau, la vice-présidente de la coopérative de Tutiac. « Cela a renforcé l'esprit d'équipe. Ça amène une reconnaissance, plus de structuration et de nouvelles pistes de progression. L'amélioration continue, c'est le fer de lance de la qualité. » De quoi améliorer le bien-être au travail… et fidéliser la main d'œuvre. Mais pas que. Lors d'une soirée de présentation à la presse, fin janvier, le président du CIVB, Allan Sichel, se félicitait du dispositif : « Bordeaux, vignoble engagé est une démarche collective qui marche. Les enjeux sont environnementaux, de durabilité, de résilience face au changement climatique. Cela a une dimension stratégique centrale. Après le SME qui compte 800 exploitations engagées, nous avons voulu aller plus loin. Il était nécessaire d'élargir la résilience économique et le partage de la valeur. » Et de pointer « les sujets de la pénibilité du travail, les saisonniers, qui sont des éléments importants. On veut rendre le métier attractif pour de futurs salariés. Mais il y a aussi les riverains qui veulent savoir ce que l'on fait. On veut traiter tout ça et prendre en compte les attentes de la société en général. »
Un message reçu cinq sur cinq par les viticulteurs. Après une douzaine d'engagés pour tester le concept en 2021, il y a plus d'une centaine d'exploitants en cours d'accompagnement pour être labellisés RSE en 2022.

Temps long
Un label qui se développe, même s'il est loin d'être hégémonique pour l'instant. Il faut dire que ce label est une révolution tranquille. Si la notion de "responsabilité sociétale des entreprises" émerge dans les années 1960, il faut attendre, en France, 2009 pour voir le premier label officiel… La loi du 22 mai 2019 (relative à la croissance et la transformation des entreprises, également appelée loi PACTE), change encore la donne. Selon la définition de la plateforme RSE du gouverment, les labels RSE - qui se multiplient - doivent s'appuyer sur la norme ISO 26 000 pour « assurer qu'une entreprise a engagé sa responsabilité vis à vis des impacts de ces décisions et activités sur la société et sur l'environnement. » Les labels, qui s'appuient sur la norme ISO 26 000, se multiplient, adaptés à chaque secteur de l'économie et les entreprises labellisées ne sont pas encore majoritaires. Mais la RSE parle au monde agricole. Après tout, être engagé dans son territoire, attentif à l'environnement et proche de ses salariés, ça parle aux exploitants agricoles. Les coopératives l'ont d'ailleurs bien compris avec leur label So Responsables dans le Sud-Ouest ou encore le label Agriconfiance partout en France. Alors, un label de plus ? Non, plutôt une autre façon de voir l'entreprise, y compris agricole. Et un moyen de rester efficace tout en répondant à la forte demande sociétale d'un autre modèle.

30 % en  2030
« Aujourd'hui, on sent la pression des clients, des banques et de la réglementation pour aller dans ce sens. » lance Allan Sichel. En 2030, le CIVB espère voir 30 % des volumes du vin de Bordeaux engagés dans cette démarche. Pour y parvenir, il a mixé, dans le groupe initial, petites et grandes exploitations, vignerons particuliers et coopérateurs, « pour que les expériences des uns profitent aux autres. » 
Un plus produit aujourd'hui qui sera, peut-être, la norme demain.

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L'œil de la syndicaliste

Point de vue Pour Laurence Impériale, présidente de la commission employeurs de la FNSEA33, la RSE va dans le sens de l'histoire.

La RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est un terme que l'on entend de plus en plus souvent. Qu'en pensez-vous ?
Laurence Impériale :
Dans le cadre de la commission Employeur régionale [NDLR : qui a eu lieu fin janvier], Benoît Grossiord, professeur à Bordeaux Sciences Agro nous a présenté ce concept. Je m'attendais à une certification de plus, mais pas du tout ! La RSE associe, en général, pour toute entreprise, l'économie, l'environnement et le sociétal… Et c'est là qu'on prend de la hauteur. On y retrouve le social dans le rapport entre l'entreprise et les salariés et le sociétal : l'ancrage de l'entreprise dans le territoire. C'est une chose toujours en évolution, en mouvement. Grâce à la RSE, on valorise l'entreprise et pas seulement le produit. C'est une manière d'amener de la valeur.

Pouvez-vous nous en dire plus ?
L. I. :
Nous nous sommes installées en 2000 avec ma sœur et on ne parlait que de la qualité du produit. Aujourd'hui, cette qualité est acquise. Maintenant, il faut expliquer. C'est une autre façon de penser… et c'est encore du travail. C'est un peu une "psychothérapie" de sa façon de travailler. On peut ensuite expliquer aux autres pourquoi on fait comme ça.

En quoi la RSE peut-elle être utile à un employeur de main d'œuvre ?
L. I. :
Le volet social, ça aide à attirer les gens. Aujourd'hui la main d'œuvre est l'un des problèmes des exploitations. On va se servir de la RSE pour communiquer… il n'y a pas que le salaire ! La façon de vivre dans l'entreprise ça compte aussi. Un repas collectif par semaine, une fête à Noël, associer ses salariés aux grands évènements, c'est important.
Nos salariés sont les premiers "commerciaux" de nos entreprises… quand ils sont fiers de ce qu'il font.