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Les agriculteurs concernés

Environnement Revue de détail des bouleversements et des aménagements causés par la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux.

En construisant les 340 km de la LGV Sud Europe Atlantique entre Tours et Bordeaux, SNCF Réseau et son concessionnaire LISEA-COSEA sont confrontés au principe législatif de l'E-R-C : Eviter-Réduire-Compenser l'impact sur les espèces et milieux naturels. Dès lors, l'ouvrage bénéficie d'arrêtés ministériel et préfectoral des 24 février 2012 et 21 décembre 2012 donnant une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces et habitats d’espèces animales et végétales protégées. En Gironde, le concessionnaire de l'ouvrage est donc contraint de définir des mesures compensatoires pour 55 espèces dont 48 faunistiques et 7 floristiques. Ces espèces sont principalement associées aux zones humides (plus particulièrement aux milieux aquatiques) et aux milieux forestiers. La plus emblématique en Gironde est le Vison d'Europe. L'effort de compensation est donc porté sur des prairies humides, des cours d'eau et forêts alluviales.

La vallée de la Saye et du Meudon
Les surfaces de compensation répondent à qautre grands principes. Tout d'abord, il s'agit de compenser les habitats sur une échelle géographique imposée (unité bocagère de l’aire de répartition de l’espèce), mais pas de ciblage à la parcelle. Celui-ci peut correspondre à un linéaire ou une surface imposée. Le potentiel de présence de l’espèce ou de recolonisation du secteur doit être garanti et justifié. Enfin, il doit s'agir de milieux en mauvais état de conservation pour l'espèce et ainsi permettre une restauration, voire une création. Le Conservatoire d'Espaces Naturels a donc identifié la vallée de la Saye et du Meudon comme espace prioritaire sur lequel l'effort de compensation doit être aujourd'hui porté. En effet, si ce réseau hydrographique est coupé en plusieurs points par la LGV SEA sur les communes de Lapouyade, Laruscade et Cavignac, c'est bien l'ensemble de la vallée qui est proposé comme territoire d'intervention. Après une analyse territoriale, le CEN a identifié pour LISEA-COSEA près de 50 hectares à acquérir et plus de 170 ha en conventionnement (120 ha de terre agricole et 50 ha de forêt). Le conventionnement peut s'étendre entre 8 et 25 ans. C'est principalement l'état de conservation du milieu qui permet de définir le principe d'acquisition ou de conventionnement. Ainsi, l'effort d'acquisition est donc porté sur les espaces les plus dégradés.

Un engagement à long terme
En choisissant l'acquisition, le concessionnaire de l'ouvrage s'engage à maintenir et restaurer la vocation d'espace naturel de ces milieux durant toute la durée de la concession, à savoir jusqu'en 2061. Le conventionnement est, quant à lui, plus court dans le temps. Son principe repose sur un engagement pluriannuel entre le propriétaire ou l'exploitant de la surface et LISEA-COSEA afin de garantir les conditions d'entretien et de gestion du milieu. Défini par la DREAL Poitou-Charentes, pilote sur le dossier, un cahier des charges de 36 mesures différentes permet ainsi au propriétaire ou à l'exploitant de choisir les pratiques d'entretien ou de mode de culture qu'il accepte d'adapter aux exigences biologiques des espèces sur sa parcelle, et ce en échange d'un accompagnement financier de LISEA-COSEA pour une surface et une durée déterminées. Ces aides sont non négligeables et peuvent permettre à certaines exploitations de mieux accompagner leur changement de pratiques et la diversification de leur assolement, notamment d'un souhait d'augmentation des surfaces en prairies ou de création d'infrastructures agro-écologiques de type haie bocagère ou ripisylve.

Un véritable enjeu foncier
L'ensemble de ces mesures environnementales a pour principal impact de faire augmenter considérablement les besoins de foncier pour le concessionnaire au-delà des surfaces strictement nécessaires à l'ouvrage. Ces besoins s'exercent la plupart du temps sur du foncier agricole. Ainsi, c'est par exemple près de 700 hectares qui sont nécessaires pour le Vison d'Europe sur l'ensemble de l'ouvrage. Afin de réduire cette empreinte foncière, LISEA-COSEA a proposé à l’État d'innover en ayant la possibilité d’aménager des ouvrages hydrauliques existants en remplacement de surfaces de conventionnement et ainsi garantir la protection de ce mammifère. Le risque de concurrence entre besoin de foncier dans un objectif de compensation environnementale et besoin de foncier pour le maintien ou la réinstallation d'exploitation agricole est possible. Il convient de ne pas les opposer, mais cela implique la participation et l'attention de l'ensemble des acteurs concernés.
LISEA-COSEA devant garantir à l’État la mise en œuvre de ces mesures compensatoires au moment de l'ouverture commerciale de la LGV SEA en 2017, le dispositif est donc rentré depuis près d'un mois dans une phase très opérationnelle.
Luc Perromat, Chambre d'agriculture de la Gironde, service Territoires, tél. 05 56 79 64 23

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Entre acquisition et conventionnement

Foncier Partenaire de la Chambre d'agriculture de la Gironde sur le dossier des compensations environnementales, la SAFER Aquitaine Atlantique participe à la gestion des acquisitions par LISEA et COSEA par convention avec SNCF réseau.

En accompagnant LISEA-COSEA et le Conservatoire d'Espaces Naturels dans l'animation et la recherche de foncier pour les compensations environnementales, la Chambre d'agriculture de la Gironde et la SAFER Aquitaine Atlantique souhaitent garantir la prise en compte des intérêts de la profession agricole. L'enjeu majeur dans le cadre de la maîtrise de ce foncier est le maintien d'un coût du foncier adapté aux réalités du terrain et du secteur. Pour cela plusieurs points de vigilance sont assurés.

Deux modes de protection
Le premier d’entre eux concerne le conventionnement avec des propriétaires ou des exploitants qui restent pour la profession agricole une alternative prioritaire à la vente de terrain. En effet, pour pouvoir exploiter la ligne LGV de Bordeaux à Tours, le maître d’ouvrage, LISEA, s’est engagé auprès de l’Etat à procéder de manière concomitante d’une part à signer des conventions de gestion avec des propriétaires ou des exploitants agricoles et d’autre part à acquérir des terrains qu’il mettra à disposition d’organismes de protection de la nature ou de collectivités. Ces deux modes de protection de la nature sont gérés de manière distincte : soit par le biais de convention avec les agriculteurs ou d’acquisition auprès des propriétaires. Les surfaces proposées en conventionnement sont plus importantes que pour l'acquisition. Ce choix répond à un souhait de la profession qui peut ainsi conserver au maximum leur outil de production. En effet, pour la profession agricole, c'est la garantie que les agriculteurs restent propriétaires de leurs surfaces en bénéficiant d’une aide annuelle en contrepartie d’une gestion mieux adaptée à des fins de protection de l’environnement. En s'engageant sur des durées allant de 5 à 20 ans, les exploitants garantissent un entretien des parcelles et un maintien de l'activité sur de nombreuses parcelles qui, en zone humide comme dans la vallée de la Saye, pourraient avoir tendance à se refermer au détriment des prairies humides riches en biodiversité. Cela peut être, par exemple, la gestion de prairie (lire le focus ci-contre). Mais d’autres mesures existent comme la gestion de prairies pâturées en zone humide, la reconversion d’une culture en prairie permanente, la gestion des landes humides, la gestion des marres, la conservation et la gestion de vieilles haies bocagères, de vieux vergers, la restauration de la mégaphorbiaie (végétation à hautes herbes qui aime le milieu humide et qui constitue un biotope de choix comme espaces ou de repos pour de grands nombre d’espèces). Autre exemple encore la création de boisements alluviaux d’essences locales, la gestion de ces mêmes boisements, la création et la gestion de ripisylve ( végétation forestière de bord de ruisseau)…

Un marché foncier équilibré
Pour ce qui concerne l’acquisition des terrains, la SAFER intervient en « facilitateur » entre les propriétaires vendeurs et LISEA. Elle garantira ainsi le juste prix tant auprès du vendeur que de l’acquéreur correspondant à la valeur agronomique des sols et à leurs potentialités. L’intervention conjointe entre la SAFER et la Chambre d’agriculture permet aussi d’anticiper d’éventuels problèmes de concurrence entre les usages. Elle permettra également de ne pas compromettre l'installation des jeunes agriculteurs ou la confortation d’exploitations agricoles économiquement viables.