L'Avenir Aquitain
AA
Accueil >Dossier > Gel en Gironde :
cartegel1-ca33

La Chambre d'agriculture sur le terrain

Estimation La Chambre d'agriculture de la Gironde s'est rendue, samedi 10 avril, sur le terrain pour montrer aux élus la détresse des viticulteurs et des agriculteurs touchés par les gelées noires des 7 et 8 avril.

Le samedi 10 avril, Jean-Louis Dubourg, le président de la chambre d'agriculture de la Gironde a invité les élus girondins, présidents des Conseils départemental et régional, parlementaires, élus locaux, sur le terrain pour leur montrer l'ampleur des dégâts causés par le gel. Et leur faire remonter les besoins des agriculteurs sinistrés.
Ce gel de plusieurs nuits de ce mois d’avril a touché l’ensemble du département. Certes avec des niveaux variés et dans des secteurs plus que dans d’autres, mais c’est un évènement massif. « Nous n’avions pas vu ça depuis 2017 », soulignait Philippe Abadie, directeur du service Entreprises de la Chambre d’agriculture. Les services de la Chambre ont établi une première cartographie des cultures touchées par le gel. L'estimation des dégâts devrait être plus fine au mois de mai, une fois les risques de gel passés et la reprise de la végétation constatée. « Pour l’instant, on peut dire que les endroits du département qui ont connu les températures les plus basses sont le nord-Gironde (du Blayais à Coutras, en passant par Bourg), la moitié sud de l’Entre-deux-Mers et la vallée de la Garonne. » Globalement, tous les secteurs du département ont souffert, mais dans plusieurs zones, ce qui frappe c’est l’hétérogénéité des dégâts.
Et de rappeler que ce type de gel généralisé s’était produit en 1991 et en 2017. Tout en soulignant que le changement climatique se fait sentir. « Depuis 2016, il y a des secteurs, comme le cœur du Blayais ou Pessac-Léognan, qui ont été touchés par le gel tous les ans ou presque à des degrés plus ou moins importants. Dans le Libournais et les Graves, on constate aussi des épisodes de gelées réguliers. Quand on y ajoute des épisodes de grêle, on se retrouve avec des exploitants qui sont sinistrés chaque année. » Bien entendu, les vignes ont été fortement touchées, mais l’arboriculture aussi avec des pertes de plus de 50 % pour les pruniers par exemple, le maraîchage et même les grandes cultures ont été impactés.

Calamités à répétition
Autre constatation : le retour d’un cycle de gelées. L’année de référence pour le gel avant 2017 est 1991. « À cette époque, dans la première moitié des années 1990, il gelait presque chaque année. Et puis jusqu’en 2016, on n’avait presque plus connu de gelées massives. Il semble qu’on soit repartis sur une série. Série qui va avoir un impact sur les assurances. En effet, le calcul de l’indemnité se fait sur le rendement des cinq dernières années. S’il y a des dégâts chaque année ou presque, le rendement moyen sera plus bas et du coup, l’assurance risque d’être moins intéressante. » Pour mémoire, en 2017, les pertes de récoltes avaient été de 40 % (et de 50 % en 1991). La particularité de 2021 est que les gelées sont intervenues plus tôt en avril. Donc, cela peut encore laisser une petite chance que les contre-bourgeons limitent la casse – s’il n’y a pas d’autres épisodes de gelées –. Même si, bien entendu, cela ne remplacera pas le bourgeon principal et donne lieu à d’autres soucis : un travail d’épamprage plus fourni et un risque de coulure en cas de forte pluie. Sans compter une fragilité accrue face à de nouveaux aléas.
Dossier réalisé par Myriam Robert

cartetemperature-ifv
geldebiasi-fdebiasi

Lutte contre le gel : compliquée et coûteuse

Technique Les gelées noires des 7 et 8 avril ont occasionné des dégâts. Le point sur les méthodes de lutte pour limiter les dégâts.

Les spécialistes du Plan national dépérissement du vignoble ont fait un point, le 12 avril, sur les effets du gel et les moyens de lutte à la disposition des agriculteurs. Ils rappelaient que le gel de printemps est un accident climatique qui peut sévir dans tous les vignobles. « Il peut aller jusqu’à détruire parfois complètement les bourgeons et jeunes feuilles, organes très peu résistants au gel. Et effet, les jeunes feuilles peuvent geler à - 4 °C par temps sec et à - 2 °C seulement par temps humide. » Le changement climatique a une incidence sur le risque de gel au printemps avec des hivers doux et des printemps précoces, la végétation est très avancée et exposée aux risques de gelées printanières.
« La hausse de la fréquence des épisodes extrêmes est aussi un facteur à prendre en compte. Dans certaines situations, les méthodes de lutte indirectes comme l’implantation favorable de la parcelle, la hauteur des souches ou même le choix du cépage, ne suffisent plus à elles seules à protéger la récolte. »
Méthodes coûteuses
Certes, il existe des mesures de protection… la Gironde a vu nombre de feu de paille, de bougies ou encore d’éoliennes mis en place. Mais ces mesures sont coûteuses et difficiles à mettre en place. « L’installation de bougies ou de chaufferettes ne peut s’envisager que sur de petites surfaces et sur les parcelles les plus qualitatives. Elles permettent de réchauffer l’atmosphère à proximité immédiate, il faut donc installer entre 300 et 400 bougies par hectares pour être efficace lorsque la température est comprise entre -  4 °C et - 6 °C. » En Charente, un viticulteur a associé chaufferettes et tour anti-gel pour mettre plus de chance de son côté. Mais il reconnaît ne pas être sûr que ce sont efficace en cas de gros coup de gel.
Le manque d’eau
L’aspersion d’eau sur les ceps permet de créer une gangue autour des jeunes feuilles et bourgeons et de les maintenir à 0 °C. Mais cette technique est coûteuse en eau. « En commençant l’aspersion au petit matin, il faut compter 50 m3 par hectare et par heure. » En Gironde, un exploitant s’est retrouvé à cours d’eau et a vu tous ses efforts anéantis lors de la dernière gelée.
L’air à la rescousse
Le brassage de l’air par hélicoptère permet de rabattre vers le sol l’air plus chaud situé en hauteur et ainsi de gagner 1 à 4°C entre les vignes. Sur le même principe, l’installation de tours antigel représente un investissement important puisqu’il faut compter 30 000 à 40 000 euros pour protéger 4 à 5 hectares. Le recours ponctuel aux hélicoptères a été utilisé cette année en Bourgogne et en Val de Loire notamment, le coût de l’intervention étant de 200 à 250 euros pour un hectare. Les tours anti-gel fonctionnent selon le même principe que les passages d’hélicoptère… et représentent aussi un coût conséquent : « il faut compter 30 000 à 40 000 euros pour protéger 4 à 5 hectares. » soulignent les spécialistes
Gaz et électricité
Les spécialistes pointent quelques techniques innovantes : fils électriques chauffants, « frost-buster » (brûleurs de gaz) à l’arrière des tracteurs ou encore pulvérisation d’oligosaccharides sur les jeunes feuilles. « Les câbles chauffants représentent un investissement important et des coûts d’entretien non négligeables. Fixé le long du fil de palissage et contenant une résistance ils permettent de maintenir autour des bourgeons une température pouvant aller jusqu’à 20 °C. Moins coûteux qu’une tour anti-gel et déjà utilisée en arboriculture, la turbine à gaz du frost-buster réchauffe l’air et le diffuse dans un rayon pouvant aller jusqu’à 150 m. Cet air chaud monte jusqu’à plusieurs mètres de hauteur et protège la parcelle. Cette technique est efficace jusqu’à - 5 °C, son efficacité augmente d’autant plus qu’il n’y pas de vent.
Antigel naturel
La pulvérisation d’oligosaccharides quant à elle reste délicate à réaliser. Ces molécules “antigel” permettent d’augmenter le seuil de tolérance au gel de 1 à 2 °C. Homologué sur vigne depuis 2007 comme produit de biocontrôle, l’application d’heptamaloxyloglucane doit se faire à une dose maximale de 0,5 g/ha entre la sortie des feuilles et le stade boutons floraux. »
Journée technique en Gironde
La Chambre d’agriculture de la Gironde a, avant l’épisode de gel de la semaine dernière, programmé une journée technique pour faire le point sur les moyens de lutte contre le gel printanier. Elle est prévue demain, vendredi 16 avril, à Montagne. Au programme : démonstrations de matériel et visite d’exploitations munies de systèmes d’aspersion et de tours anti-gel.