L'Avenir Aquitain
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Le rapport du médiateur

est sorti Les syndicats maintiennent la pression. Des manifestations sont prévues un peu partout en France.

« Il y a eu un soubresaut dans les cotations mais il faut que ça continue, c’est tout l’enjeu de la mise sous surveillance active que l’on va continuer », a fait savoir Thomas Diemer, président de Jeunes agriculteurs, à la sortie de la réunion de présentation du rapport du Médiateur des relations commerciales agricoles Francis Amand sur les prix de la viande bovine et porcine, remis le 21 juillet au ministre de l’Agriculture. Depuis plusieurs semaines, les éleveurs français sont en effet mobilisés pour exprimer leur détresse et la situation catastrophique des exploitations, alors que les prix de la viande bovine et de la viande porcine ne couvrent plus les coûts de production. En Normandie, les éleveurs ont bloqué plusieurs jours de suite les accès au Mont Saint Michel, à Evreux et surtout à Caen où Stéphane Le Foll a finalement fait le déplacement pour rencontrer les manifestants à la préfecture, avant de revenir à Paris pour la remise du rapport. Le jeudi 23 juillet, l'Aquitaine manifeste.

Des cotations qui remontent trop lentement
En viande porcine, le rapport du Médiateur souligne des objectifs quasiment atteints, puisque le cadran de Plérin clôturait dernièrement autour de 1,38 €/kg, un montant proche des 1,40 €/kg fixés avec la filière. Pour le président de la FNSEA, Xavier Beulin, il faut cependant rester vigilant, puisque d’une part, « 1,40 €, ça ne couvre pas les charges actuelles pour certains éleveurs », et il faut de plus « tenir dans la durée, d’autant qu’en septembre-octobre, on assiste souvent à une baisse des prix ». Stéphane Le Foll a également souligné que « la situation reste fragile ». « On devrait avoir des prix plus élevés en été », période de grillades et de barbecues, a-t-il précisé. Les inquiétudes sont néanmoins plus fortes en ce qui concerne le cours de la viande bovine. Suite à la table-ronde réunissant la filière le 17 juin, « les objectifs étaient normalement annoncés à 20 centimes (ndlr : d’augmentation) », a rappelé le ministre, or « on est arrivé à la moitié, soit environ 10 centimes ». Si les noms des enseignes et abattoirs qui n’ont pas joué le jeu n’ont pas été révélés par le Médiateur, « on peut dire que pour une fois, la grande distribution est dans les clous », a salué Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB). En revanche, l’hétérogénéité des pratiques des abatteurs lui semble « anormale ». Le rapport fait état d’une grande complexité, avec des acteurs qui jouent le jeu et d’autres non, ce qui pénalise l’ensemble de la filière. D’autres sujets sont également mis en avant, comme les jeunes bovins. La profession a par ailleurs salué le rapport, espérant que le médiateur allait poursuivre son travail.

Leviers de revalorisation 
Pour faire remonter les prix et valoriser la viande française auprès des consommateurs, les éleveurs et le ministre prônent une mise en avant plus large du logo Viande de France, lancé en 2014 et encore peu connu des consommateurs. Le logo « fera l’objet d’un lancement officiel courant août », a indiqué Jean-Pierre Fleury. Derrière cette indication, la garantie d’une viande issue d’un animal né, élevé, abattu et transformé en France, « pour adosser à cette communication un prix différent d’un standard international sur lequel aujourd’hui nous ne pouvons plus nous caler », a insisté Xavier Beulin, qui dénonce des normes plus fortes et des charges plus élevées que dans les autres pays européens. Le logo doit donc être le signe, pour le consommateur, « d’une production de très haute qualité », a renchéri Jean-Pierre Fleury. Autre levier pour donner de l’air aux producteurs, celui de l’exportation. « Une plateforme viande française export doit être mise en place », a rappelé Stéphane Le Foll, ajoutant que les discussions avançaient bien sur le sujet et que les grands opérateurs français devraient s’y rassembler pour répondre de façon organisée à une demande mondiale bien présente.  

La surveillance se poursuit
« Quand le chef de l’Etat, suivi par le Premier ministre, prend la parole sur le sujet puis annonce un plan de sauvetage de l’élevage, c’est que la situation est assez grave pour être prise au sérieux », constate Xavier Beulin, ajoutant que « la pression reste très forte sur le terrain, d’autant que la revalorisation tarde à venir pour les producteurs, on comprend leur impatience ». Jean-Pierre Fleury signale de son côté que si le rapport ne donne pas les noms de ceux qui ne respectent pas les engagements, « nous, on les citera ». Les blocages et opérations de vérification de l’étiquetage dans les grandes surfaces devraient se poursuivre. Stéphane Le Foll affirme de son côté qu’il fera son possible pour « maintenir la pression ». « On peut faire bouger les lignes, on l’a fait en un mois », ajoute-t-il. Une nouvelle table-ronde de la filière bovine s'est tenue au ministère le 22 juillet, après l’annonce du plan de sauvetage de l’élevage qui était discuté en conseil des ministres le matin. La profession agricole en attend « autre chose que quelques mesurettes », affirme Xavier Beulin, qui au-delà des mesures d’urgences, demande aussi des perspectives à moyen et long terme pour l’agriculture française.

Publié le 21 juillet 2015

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Elevage :

Les politiques entrent dans les négociations Interpellé par la FNSEA après la Nuit de la détresse le 2 juillet, le Sénat a organisé le 16 juillet une conférence agricole pour trouver, avec l’ensemble de la filière, des solutions à la détresse exprimée par les producteurs.

Sollicité par Xavier Beulin, président de la FNSEA, qui avait demandé un débat parlementaire pour répondre à la situation dramatique vécue aujourd’hui par les éleveurs, le président du Sénat Gérard Larcher a organisé le 16 juillet une conférence agricole pour redonner des perspectives aux filières animales. A l’exception des transformateurs laitiers qui ont annulé leur participation la veille de l’évènement, toute la filière était représentée, de la production jusqu’à la distribution. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a également pris part aux échanges en fin de séance. Premier constat : « il faut des mesures de court terme », a souligné Gérard Larcher à l’issue de la rencontre.

Transparence et valorisation
Cela commence par le respect des engagements pris par la filière bovine le 17 juin autour du ministre de l’Agriculture qui, pour un certain nombre de sénateurs, doit « sortir de son rôle de greffier » pour faire appliquer les hausses de prix. Le Médiateur des relations commerciales agricoles, saisi par Stéphane Le Foll il y a deux semaines, devait d’ailleurs rendre son rapport le même jour, ce qui devrait permettre de déterminer qui respecte ou non les engagements. Une transparence également souhaitée par délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), qui « partage les constats » et espère bien que « si des acteurs n’ont pas joué le jeu, ce doit être publiquement dénoncé ». La transparence doit aussi s’appliquer en matière d’étiquetage, en particulier à travers le logo Viande de France, pour mieux valoriser les produits français et la qualité qui leur est associée, y compris dans la restauration hors domicile, a noté le président de la FNSEA. Au niveau européen, Gérard Larcher a promis d’interpeller à ce sujet Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, sur cette question de l’étiquetage de l’origine qui rencontre encore des réticences au sein de certains Etats membres.

Soutenir les prix et les trésoreries
« Nous avons aussi engagé le ministre à prendre des mesures de désengagement du marché », a par ailleurs signalé le président du Sénat. Pour donner de l’oxygène aux producteurs, les sénateurs demandent également une période blanche au cours de laquelle les remboursements d’emprunts seraient suspendus. Enfin, l’accompagnement des éleveurs souffre encore d’un dysfonctionnement dénoncé à plusieurs reprises dans la matinée : les cellules de crise départementales, qui doivent être mises en place sous l’égide des préfets pour à aider les agriculteurs en difficulté, ne semblent pas fonctionner. Et ce, malgré les affirmations du ministre qui a rappelé à plusieurs reprises, lors des questions au gouvernement l’après-midi, que « les cellules sont en place depuis le 18 février ». La profession cependant : « dans toutes les FDSEA, nous avons des dispositifs d’accompagnement pour les agriculteurs en difficulté, mais il nous faut des interlocuteurs en face », témoigne Xavier Beulin.

Mesures à moyen terme
Ces mesures de court terme ne doivent pas faire oublier qu’une réorganisation de l’agriculture est nécessaire afin de sortir d’une crise également structurelle. Pour tous les participants à la conférence, il apparaît urgent de retrouver une compétitivité aujourd’hui en perte de vitesse. Xavier Beulin cite ainsi l’exemple de l’élevage porcin : quand il y a 15 ans, les productions française, allemande et espagnole étaient au même niveau avec 20-25 millions de cochons, la France est restée au même niveau quand ses concurrents dépassent aujourd’hui les 40 millions d’animaux. La faute entre autres aux normes qui restent un point d’achoppement entre la profession, qui dénonce un zèle administratif franco-français, et le ministre qui a de nouveau réaffirmé les efforts du Gouvernement en matière de simplification. La Commission des Finances du Sénat devrait par ailleurs s’atteler à réformer la fiscalité et se pencher sur l'endettement des exploitations, ce qui va dans le sens de Xavier Beulin. Le président de la FNSEA appelle en effet à « travailler à un plan de désendettement de l’agriculture française », un « levier de compétitivité pas souvent exploré » et suggère l’idée d’une titrisation de la dette. Enfin, dernière piste évoquée au cours de la conférence, la contractualisation à plus long terme et avec tous les maillons de la filière, y compris la distribution. Interpellé sur les mesures urgentes et sur leur calendrier de mise en œuvre, notamment lors des questions au gouvernement l’après-midi, le ministre est resté évasif, signalant cependant qu’il « travaillera avec le Premier ministre pour augmenter les moyens, notamment pour ceux qui ont investi, en particulier les jeunes agriculteurs qui risquent de perdre avec cette crise leur capacité de production ». La conférence a été saluée comme constructive par la profession agricole, le Sénat rappelant quant à lui être « dans son rôle de représentation des territoires », d’autant plus que l’élevage - et les activités économiques qu’il génère - constitue souvent le dernier rempart avant la désertification des zones rurales.