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Les coopératives ne veulent pas être traitées comme les opérateurs privés

Publié le: 25-01-2019

Commerce Comme ce qui est prévu pour les entreprises privées, le gouvernement prévoit de sanctionner les coopératives en cas de rémunération « abusivement basse » d’un agriculteur. Coop de France dénonce un « démantèlement programmé » du secteur. Le projet d’ordonnance est en revanche jugé plutôt positivement du côté des éleveurs laitiers.

Pour le mouvement coopératif, c’est un mauvais rêve qui est en passe de devenir réalité. Coop de France avait mis en garde, le 19 décembre lors de son congrès, contre un « possible détricotage du statut coopératif » par la loi issue des Etats généraux de l’Alimentation, adoptée à l’automne, et dont émaneront de nombreuses ordonnances en cours de discussion.
La fermeté ce jour-là du ministre de l’Agriculture était de mauvais augure : Didier Guillaume avait émis l’idée « que les associés coopérateurs, comme l’ensemble des producteurs, pourront bénéficier de ce dispositif » sur les prix abusivement bas. Cette mesure, qui doit être renforcée par une ordonnance en cours d’élaboration, ne concerne aujourd’hui que les relations qu’entretient un agriculteur avec une entreprise privée, pas avec sa coopérative. Or, la coopération représente une marque alimentaire sur trois, et trois agriculteurs sur quatre livrent au moins une partie de leur production à une coopérative.

Une amende jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires
Un mois après, le projet d’ordonnance concernant les coopératives confirme les craintes de Coop de France. Cette nouvelle mouture, dont les organisations agricoles ont eu connaissance le 18 janvier, représente « une atteinte extrêmement grave au contrat coopératif », proteste Coop de France. En sanctionnant la « rémunération des apports abusivement basse », le texte assimile la relation entre l’adhérent et sa coopérative à une relation commerciale ordinaire, selon la fédération. L’amende prévue est jugée « délirante » par Coop de France : son montant « ne peut être supérieur à 5 millions d’euros » mais peut être porté à « 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France », d’après la proposition dont Agra Presse s’est procuré une copie. « La coopérative n’est pas prise en compte dans sa spécificité juridique et économique », considère la déléguée générale Valérie Ohannessian, jugeant le texte « destructeur du contrat coopératif » et « destructeur de la coopération dans son rôle économique et social au sein des territoires ».
Coop de France conteste aussi le dessaisissement du médiateur de la coopération, au profit du médiateur des relations commerciales, en ce qui concerne les litiges relatifs aux dispositions du contrat d’apport et aux indemnités financières à la suite du départ d’un associé avant la fin de la période d’engagement. « Plaquer la notion de prix abusivement bas au contrat d’apport coopératif ou dessaisir le médiateur de la coopération au profit du médiateur des relations commerciales est une aberration qui rompt l’équilibre de la relation entre l’associé coopérateur et sa coopérative », dénonce la fédération dans un communiqué. Coop de France rappelle qu’à travers le contrat coopératif, l’agriculteur a l’assurance de trouver un débouché pour sa production. Et le président Dominique Chargé de défendre, via le communiqué, ces « sociétés de personnes fonctionnant de manière solidaire et démocratique, fondées sur une recherche de compétitivité qui intègre plus que la seule recherche du profit ».

« Il n’y a pas de raison que la coopérative échappe aux Egalim »
« Il ne faut pas que le conseil d’administration phagocyte la discussion au sein des coopératives », défendait pour sa part Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des éleveurs laitiers (FNPL), le 23 janvier lors de ses vœux à la presse. Le syndicat voit plutôt d’un bon œil l’initiative du gouvernenement : « à l’heure actuelle, le contenu de l’ordonnance [relative aux coopératives] est plutôt bien, estime André Bonnard, secrétaire général de la FNPL. Car il n’y a pas de raison que la coopérative échappe à tout le travail effectué lors des États généraux de l’alimentation. » Aussi, il demande l’inscription, dans le règlement intérieur des coopératives, d’un calcul théorique du prix du lait en fonction du mix produit de l’entreprise et des indicateurs de coûts de production. Les coopératives devront ensuite justifier l’écart entre ce prix et la rémunération effective des sociétaires. « Cela permettra d’évaluer la performance des coopératives. » Plus largement, le syndicat va se pencher sur le dossier des coopératives agricoles avec trois enjeux en vue : la rémunération des sociétaires, la performance des coopératives et leur gouvernance.