L'Avenir Aquitain
AA
Accueil >Société > Une journée avec les
caaqj120

Une journée avec les pêcheurs professionnels de Gironde

Publié le: 22-05-2014

DÉCOUVERTE Le 11 avril, le temps d’une marée, nous avons participé, avec les pêcheurs professionnels en eau douce à la pêche à la lamproie sur la Dordogne. Un voyage en terre inconnue… de Libourne à Moulon.

«Il faut commencer à marée descendante, amener des bottes, un coupe vent et une polaire…» a prévenu Romain Fageot ingénieur à l’Institut Des Milieux Aquatiques et animateur de l’Association des pêcheurs professionnels en eau douce de la Gironde, à l’initiative de cette rencontre. Rendez-vous est donc pris pour le vendredi 18 avril à 11 heures. Philippe Vignac, pêcheur professionnel nous attend sur le ponton de Saint-Émilion au bord de la Dordogne.

Un métier de liberté
Embarquement immédiat pour une journée de pêche. L’accueil est chaleureux. Mais le temps presse. La marée n’attend pas. Philippe déjà positionne son bateau auprès de la berge. Il commence à dévider le filet pour le placer perpendiculaire à la rivière sur environ les deux tiers de sa largeur. Les gestes sont précis et réguliers. Le filet trace une ligne blanche à la surface du fleuve. Normal… mais pas évident. «Tout le secret est de savoir doser le plombage et le flottage. Si le filet est trop plombé, nous ramenons des cailloux qui massacrent les mailles, s’il est trop léger, les poissons ne sont pas pris. Un filet bien préparé, c’est 90 % de la pêche». Puis, il laisse dériver. Le temps pour Philippe de se raconter un peu. «Je suis devenu pêcheur car petit, je venais dans ce coin pour taquiner l’anguille et j’ai rencontré un pêcheur professionnel qui m’a initié au métier et qui m’a cédé son matériel lorsqu’il a pris sa retraite. C’est un métier de liberté». 11 heures 45. L’heure de remonter le filet et la première lamproie mais il n’est pas facile de l’extraire des mailles car le mucus la rend terriblement glissante. Philippe a les gestes sûrs et précis.

Entente
Il faut revenir au point de départ et recommencer. Pour cela, Philippe met les gaz à fond, le moteur de 55 chevaux donne des ailes au bateau qui remonte la rivière à toute allure. Sur notre trajet, nous croisons sept autres embarcations. A chaque fois les saluts sont amicaux et les plaisanteries fusent. Philippe est ravi de cette ambiance. «Ici, sur ce Lan (1) nous sommes sept pêcheurs. Entre nous il y a une super entente, nous sommes unis et solidaires». Au total, la Gironde compte 57 pêcheurs professionnels. Retour à la case départ. Philippe replace son bateau près de la berge, «baille» le filet et laisse dériver. Il va en être ainsi durant toute la marée.
Aujourd’hui, cela n’est pas coutume, les pêcheurs ont décidé de partager leur repas. La présence de Romain, le jeune animateur de l’association, n’y est pas étrangère. Les questions à lui poser sont nombreuses. L’interdiction de la pêche à l’alose est de loin le sujet qui les taraude le plus. Si au départ les pêcheurs ont compris et accepté de faire une pause pour relancer la population en déclin, aujourd’hui, ils sont moins convaincus. Le poisson est de retour et les restrictions sont toujours là. «Ils ne nous autorisent même pas à garder les pêches accidentelles. Nous sommes obligés de jeter par-dessus bord les aloses mortes pendant leur capture. Cela fait râler car les étals des poissonniers sont pleins d’aloses venues de l’extérieur » s’étrangle Philippe.

Courage et vaillance
A ses côtés, Michel, Titou, Anthony, Romain, Damien, Florian, Jean-Louis piquent le même coup de gueule. Romain Fageot lui aussi trouve la mesure très contraignante et comme partout, les obligations administratives ne cessent de s’empiler. «Heureusement que nous avons Romain pour nous aider». De l’aide il leur en faut. Pour l’administratif, pour les financements des études, pour trouver des solutions aux contraintes envahissantes, pour défendre le métier contre la concurrence déloyale des pêcheurs du dimanche… Et Romain, à chaque fois se démène. «J’admire leur courage et leur vaillance et j’ai vraiment une réelle affection pour eux tous.» Il est 15 h 30, la marée remonte. La pêche est finie… Jusqu’à ce soir 23 heures pour la prochaine marée.

Geneviève Marcusse-Artigue
(1) Tronçon de rivière partagé par plusieurs pêcheurs.